C'est trop inzuste !
"C'est toujours sur moi que ça tombe, les complications. Oh la la la la… c'est vraiment trop inzuste !". Voilà une phrase emblématique de Caliméro, ce personnage de fiction créé en 1962, anti-héros zozotant d'un dessin animé célèbre dans les années 80 et qui n'abandonne jamais la coquille de l'oeuf dans lequel il est né ; coquille à moitié brisée qu'il porte d'ailleurs en permanence sur sa tête.
"Arrête de faire ton caliméro !" est même devenu une expression assez courante et synonyme de "Arrête de jouer la victime !".
Victime ?
Les aléas de la vie ne manquent pas et face à ceux-ci, la tentation est grande de penser que le sort s'acharne sur nous et de nous percevoir comme une victime. Plus ou moins consciente et répétitive, cette posture nous cantonne dans un état plaintif, impuissant et finalement passif.
L'objet de cet article est de débusquer la part de Caliméro en nous mais rappelons-nous quand même qu'être victime n'est pas qu'un sentiment mais parfois la dure réalité d'un événement lourd ou dramatique vécu il y a longtemps ou il y a quelques instants.
Dans cet épisode Caliméro, roi du banjo, notre anti-héros répète plusieurs fois "C'est vraiment trop injuste !" : sa participation au concours municipal de musique country semble compromise car le maire jaloux s'arrange pour empêcher son père de jouer avec lui sur scène.
Ce qu'il y a de bien avec Caliméro, c'est qu'il a dans chaque épisode des premières réactions de victime mais qu'il ne reste pas enfermé dans cette posture. Avec un peu de volonté et des encouragements, il décide de réagir, de se prendre en mains, au moins de tenter quelque chose : en l'occurrence, monter seul sur scène et jouer son morceau. Il n'a certes pas fière allure mais il arrête de jouer la victime.
"Jouer" ?
Ah ! Parce que c'est un jeu ??
Oui, au sens rentrer dans un rôle, une posture, la plupart du temps sans en être conscient(e) : c'est un jeu de rôles en fait. Justement, ces interactions sociales ont été étudiées et notamment schématisées par le psychiatre Stephen Karpman, donnant le fameux triangle dramatique qui décrypte les interactions entre les 3 rôles que sont la victime, le bourreau et le sauveur.
Pour creuser le sujet, 2 ressources réservées aux membres : (re)voir la vidéo synthétique sur le sujet disponible dans l'espace XP et / ou s'inscrire à un des prochains ateliers XP, consacrés au triangle dramatique.
Ce thème est absolument incontournable en accompagnement au développement personnel… et professionnel ! Eh oui ! Car Caliméro et ses partenaires de jeu que sont le bourreau et le sauveur se retrouvent aussi en entreprise, chacun ayant besoin de l'autre pour continuer à "fonctionner".
Exemple ?
Vécu quelques jours avant la rédaction de cet article (Philippe) :
- une banale pause déjeuner en salle de réunion : chacun déballe ce qu'il a préparé ou commandé et les échanges vont bon train… Il y a des anciens et des nouveaux.
- justement, une nouvelle recrue avec expérience et une mission apparemment compliquée, tente manifestement de se faire une place en parlant beaucoup et demandant - quémandant ? - de venir ici ou là pour s'intégrer
- présent à la table, j'observe - je suis intervenant externe mais régulier - des réactions des collègues présents sur un mode peu à peu "bourreau" : haussements de sourcils, fausse info même donnée sur le ton de la blague, petite pique émanant d'un petit jeune…
Celui-ci, par exemple, aurait carrément dû être remis à sa place, gentiment mais fermement, par cette nouvelle collègue. Dans un monde idéal en tous cas, car ce n'est pas toujours simple de bien réagir sur le coup, surtout lorsqu'on se comporte en victime, suscitant en cela des réactions de bourreaux de la part de personnes pourtant plutôt naturellement sympas.
Ce sera la conclusion de cet article :
un rôle de victime suscite immanquablement des réactions de sauveur ou de bourreau dans l'entourage, rôles qui sont fondamentalement tournants ; de sauveur, je peux passer en mode bourreau et vice-versa.
Même anti-héros, Caliméro reste manifestement une pièce maîtresse du jeu.
C'est l'un des bénéfices du rôle de victime… à quel prix ?